Emergence Virale en Afrique Centrale

Le Chef d’Unité d’Epidémiologie et Physiopathologie des Virus Oncogènes à l’Institut Pasteur de Paris a débattu avec les scientifiques du CPC et discuté de ses récents travaux qui ont porté sur l’ « Emergence Virale en Afrique Centrale: Nouveaux Rétrovirus Humains et Importance des Transmissions Inter-espèces des Singes aux Hommes ».

Le Professeur Antoine GESAIN, Médecin, Virologiste et Chef de l’Unité d'Epidémiologie et Physiopathologie des Virus Oncogènes à l’Institut Pasteur de Paris a donné une conférence le lundi 26 Mars 2018 entre 15h et 16h 30 dans la salle de conférence du Centre Pasteur du Cameroun. Cette conférence portait sur le thème: « Emergence Virale en Afrique Centrale: Nouveaux Rétrovirus Humains et Importance des Transmissions Inter-espèces des Singes aux Hommes ». Une thématique familière aux activités de recherche du Centre Pasteur du Cameroun.

Au cours de cette conférence, l’orateur est revenu sur les concepts, étapes et facteurs d’émergence ou de ré-émergence des agents pathogènes. La plupart des agents viraux pathogènes qui ont émergé chez l’homme au cours des dernières décennies a une origine animale. Après le franchissement initial de la barrière d’espèce par ces virus à ARN, ils se sont adaptés à leur nouvel hôte humain par divers mécanismes évolutifs qui nécessitent la conjonction de plusieurs conditions épidémiologiques. Par la suite, ces virus émergents ont pu diffuser et se disséminer au sein de la population humaine par les aérosols, les contacts directs, le transmissions sexuelle et de la mère à l’enfant. Si les stratégies évolutives et les modes de propagation des virus émergents et re-émergeants sont bien documentés, les toutes premières étapes fondatrices de l’émergence virale demeurent quasiment inconnues.

La proximité génétique entre les humains et les Primates Non Humains (PNH), et particulièrement les grands singes, fait de ces derniers une source potentielle d’agents infectieux transmissibles à l’espèce humaine. En effet, il a été démontré au cours de son exposé que des rétrovirus tels le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et les virus T lymphotropes humains (HTLV) ont émergé dans la population humaine à partir des transmissions singe-homme du virus de l’immunodéficience simienne (SIV) et des virus T lymphotropes simiens (STLV), respectivement.

Le Professeur Gessain et son équipe ont contribué à la découverte et la caractérisation d’un nouveau rétrovirus humain, l’HTLV-3 qui provient également de la transmission homme-singe du STL-3 en Afrique centrale. A la suite de cette découverte, les travaux de l’équipe du Pr Antoine Gessain se sont focalisés sur des populations à haut risque de transmission homme-singe des agents pathogènes. Pendant une dizaine d’années, des enquêtes ciblant des chasseurs de PNH en Afrique centrale ont permis de mieux comprendre la transmission singe-homme des rétrovirus STLV-1/HTLV-1 et des foamy virus simiens. Ces travaux interdisciplinaires, réalisés en collaboration par l’Institut Pasteur à Paris et des centres de recherche locaux ont porté sur des

populations villageoises d’origine Bantous et Pygmées principalement dans la grande forêt équatoriale du sud Cameroun et du Gabon.

Ils ont pu ainsi démontrer que des chasseurs mordus par un singe (gorille, chimpanzé ou Cercopithecidae) sont environ 6 fois plus souvent infectés par l’HTLV-1 que les chasseurs non mordus vivant dans le même environnement. Par conséquent, une morsure sévère par un singe, surtout par un gorille, est un facteur de risque important pour une infection par l’HTLV-1. Par ailleurs, l’infection par l’HTLV-1 ou le foamy virus simiens augmente significativement avec la gravité de la morsure. Les études menées par le Pr Gessain ont permis de documenté des transmissions très récentes des foamy virus simiens à l’homme dans le sud du Cameroun. Ces foamy virus détectés chez des humains mordus étaient quasiment identiques à ceux circulant dans les espèces de PNH responsables des morsures.

La documentation des cas récents de contacts et transmissions homme-singe des rétrovirus a permis d’identifier des contacts spécifiques qui sont associés à un facteur de risque de transmission de ces virus à l’homme. Cette découverte permet aux équipes actuellement impliquées d’étudier les autres facteurs épidémiologiques qui contribuent à ce que la transmission inter-espèce originelle conduise ou non à une pathologie chez l’homme ou à une diffusion dans l’espèce humaine.

Après une séance de discussions avec les participants, la conférence s’est achevée par le mot de remerciements et de clôture par le Directeur Général du Centre Pasteur du Cameroun et les applaudissements de l’assistance.